Un épisode oublié de la guerre d’indépendance israélienne: Le massacre du Gush Etsion

« Avant même 1948, mon grand-père maternel avait acheté un terrain, au prix fort, près de Gush Etzion. Il avait d'abord acquis un terrain (non habité) situé rue Dizengoff, à Tel Aviv, dont on dessinait à peine les projets pour y construire une ville. Puis, encouragé par le KKL, il ajouta de l'argent pour troquer ce terrain contre un autre, à proximité de Jérusalem, puisque la majorité de ses habitants et sa longue histoire lui valaient le label de "ville juive par excellence". - Vous avez peut-être déjà lu cet article paru il y a un an. Il a été repris par le Blogue "A Contre-Courant". Je vous en recommande la lecture, ou la relecture. » (R. Lewin).
C'est volontiers que je reproduis ci-après ce récit. Il illustre, photos à l'appui, la fausseté du narratif arabe, palestinien et pro-palestinien, qui est parvenu à faire croire au monde que les Juifs venus d'Europe avec des armes et des équipements sophistiqué se sont emparés brutalement d'une Palestine peuplée de fellahs pacifiques. Les photos ci-après, montrent dans quel état de précarité, de misère et de danger vital, vivaient ces hommes, ces femmes et ces enfants juifs dans les années 30-40. La vérité finira par triompher.

(Menahem Macina).


Texte repris du Blogue A Contre-Courant, 8 juin 2009

Un épisode oublié de la guerre d’indépendance israélienne:
Le massacre du Gush Etzion, ou l’oubli comme arme politique



Les partisans du « camp de la paix » autoproclamé font de la « Cisjordanie » un territoire judenrein comme condition primordiale de la paix au Proche-Orient, accréditant ainsi l’idée d’une exclusion religieuse ou raciale comme condition sine qua non de tout accord de paix. Appliqué à l’Europe et aux populations allochtones (c’est-à-dire aux « immigrés »), un tel raisonnement est raciste. Appliqué à Israël, il se mue étrangement en logique d’émancipation…





Le "danger sioniste"... Enfants de Kfar Etsion [photo contemporaine]

Dans cet objectif, il importe de déterritorialiser tout vécu juif, d’en faire une entité abstraite déracinée, avec en prime un sens récurrent de l’omission volontaire.
Un exemple significatif du conflit de mémoire concerne les habitants du Gush Etzion.



Gush Etzion 2009. © Google Earth


Un site comme Peacenow.org évoque la « signification historique particulière » du Gush Etzion et insiste sur le caractère « ultra-orthodoxe » (en fait, tout simplement des sionistes religieux) des premiers établissements sur les collines situées au sud de Jerusalem et au nord-ouest d’Hébron. Plus significativement, la perte des quatre villages en 1948, vécue, selon eux, comme un traumatisme dans la mémoire collective israélienne, est réduite à une conséquence non intentionnelle de la guerre de 1948, donnant l’impression d’une disproportion entre le pathos et son motif. (« All four were destroyed in the course of 1948 war, and the entire area came under Jordanian rule. From 1948-1967, the loss of the four Jewish communities of Gush Etzion was one of the most painful traumas in the Israeli collective memory. »).


Pour rappel, ces villages de « Cisjordanie » n’ont pas été « créés » après la Guerre des Six-Jours et l’« occupation » israélienne, mais ont été à plusieurs reprises attaqués et détruits par les Arabes… On est loin de l’image d’Epinal de paisibles paysans expropriés et brutalisés par les sionistes…




Les collines autour de Kfar Etsion. 1927


Pire encore, l’épisode traumatisant de la guerre de 1948, que le site Peacenow.org passe sous silence, est le massacre de 157 défenseurs du village par la Légion et les milices arabes, avant même la déclaration d’indépendance d’Israel.

Preuve, s’il en fallait, de l’unilatéralité des « partisans de la paix », qui se font les relais partiaux du seul point de vue arabe, à l’opposé de l’objectivité qu’ils revendiquent…

La situation du Gush Etzion illustre l’infériorité des Juifs, en nombre et en équipement, et rappelle trois données fondamentales de la guerre de 1948 :



Habitant défenseur du Gush Etsion. 1947


1. Le conflit commence avant le 15 mai 1948, date officielle de l’entrée en guerre de la légion arabe.

2. Les Britanniques mènent une politique favorable aux Arabes, anticipant sur ce qu’ils croient devoir être la future défaite juive.

3. L'offensive arabe vise les populations civiles et détruit les villages juifs, sans que cela constitue une quelconque « résistance ».

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En 1927, des Juifs yéménites accompagnés de Juifs haredim [de stricte observance] s’installent sur des parcelles de terres nommées Migdal Eder, et acquises légalement par la compagnie Zikhron David.




Une terre à défricher : les pionniers du Gush Etsion


Lors des violences antijuives de 1929, ses habitants sont évacués vers un monastère chrétien orthodoxe près de Beit Umar, puis vers Jérusalem, et les Arabes détruisent les maisons du village.

Quelques années plus tard, Samuel Holtzman de la société El Hahar achète d’autres parcelles, mais le village de Kfar Etzion est à nouveau pris d’assaut et détruit par les Arabes, lors de la guerre arabo-britannique de 1936-1939.



Shmuel Holtzman à Kfar Etsion



Le travail de la terre au Gush Etsion.

En 1942, le Fonds pour l’Existence d’Israel (KKL) décide d’encourager le retour des paysans sur ces terres et, au printemps 1943, des paysans retournent dans le village de Kfar Etsion.


Kfar Etsion, 1943


En octobre 1945, le village s’étend jusqu'à Masuot Yitshaq, où s’installent des survivants de l’Holocauste.

Le village de Matsuot Yitzhaq. 1945


A Ein Tsurim, vivent des membres du mouvement religieux Bnei Aqiva, tandis qu’à Revadim, à la différence des trois autres villages, sont établis des membres du mouvement de gauche, Hashomer Hatsair.


Fermes à Ein Tzurim.


Arrivée d'un convoi au Gush Etsion, 22 octobre 1946



Le 29 novembre 1947, l’Assemblée Générale de l’ONU vote la résolution 181, qui divise le pays en deux Etats, et comme beaucoup de localités juives, celles du Gush Etsion tombent sous souveraineté arabe, de la même façon que de nombreuses localités arabes passeront sous souveraineté juive. Si, d’emblée, les dirigeants juifs appellent à une coopération entre Juifs et Arabes, les Arabes de Palestine répondent à la reconnaissance légale d’un Etat arabe par des émeutes, des massacres (dont celui du Gush Etzion), et par le siège de Jérusalem.


Kfar Etsion. 1947




Kfar Etsion 1946


L'atelier de charpente du Gush Etzion


Construction d'une route par les habitants du Gush Etsion. 1946


Kfar Etzion, 1946


Dès la fin 1947, les villages du Gush Etzion sont encerclés par les armées irrégulières arabes (non étatiques, celle de Kuwakji, ou de Husseini). Considérant que la présence de Juifs ne devait en aucun cas devenir un obstacle à la construction de deux Etats en paix, Ben Gourin décide que les 500 habitants des quatre villages ne seront pas transférés.

Or, le Gush Etzion se trouve à proximité de la route utilisée par les irréguliers, puis par la Légion arabe, pour acheminer des troupes et du matériel militaire en vue du blocus illégal de Jérusalem.

Afin de protéger les villages, le Palmah décide d’envoyer Danny Mas, ainsi qu’une section de la Haganah. Au printemps 1948, les villages sont défendus par près de 315 civils et 220 membres de la force de défense juive, la plupart sans équipement militaire, ou non armés.


Garde de la Haganah avec les paysans du Gush Etsion. 1947


Les Arabes des villages voisins attaquent indifféremment les convois de vivres et les convois militaires juifs. Il est alors décidé de blinder les véhicules de transport (avec des planchettes en bois et des boîtes de conserve en métal), mais les Britanniques l'interdisent, au nom du fait que cela pourrait provoquer la colère des Arabes, qui coupent les routes d’accès au Gush Etzion et à Jérusalem.

Le 11 décembre 1947, un convoi de 18 personnes est attaqué, seuls quatre civils en réchappent. Dès le 5 janvier 1948 la décision est prise d’évacuer les femmes et les enfants des quatre villages.


Enfants du Gush Etsion. 1947

Le 8 janvier 1948, Danny Mas est remplacé par Uzi Narkiss, un autre commandant de la Haganah.

Le 13 janvier, se produit une nouvelle attaque contre un convoi médical, tuant un médecin et un conducteur, laissant pour mort un des blessés dans l’ambulance.


Le 14 janvier 1948, les factions d’Abdul Qader alHusseini attaquent les villages. Composées de plus de 600 combattants, auxquels s’ajoutent plus d’une centaine de jeunes Arabes venus de Bethléem et Hébron pour assurer la dimension logistique de l’opération, elles se heurtent à une défense acharnée et ne parviennent pas à conquérir le village.

Après l’attaque, Uzi Narkiss demande à la Haganah des renforts qu’elle ne peut fournir. Dans la nuit du 15 au 16 janvier, Danny Mas tente de rejoindre le bloc en compagnie de 35 hommes. Ils sont aperçus près de Tzurif, et se retrouvent cernés par plusieurs centaines de combattants. Les Britanniques, au courant des combats, n’interviendront qu’une fois le dernier combattant juif tué, aux environs de 16h 30, et les soldats dépêchés sur les lieux prennent les photos des cadavres et des mutilations qu'ils ont subies.


Enterrement des "35". Janvier 1948


A la fin du mois de mars 1948, la Haganah prend la décision d'organiser un convoi vers les villages, afin d’évacuer les blessés et d’apporter des vivres aux habitants du Gush Etzion. Tous les véhicules disponibles (51 au total) sont réquisitionnés et atteignent les villages. Au retour, ils sont attaqués sur la route de Nebi Daniel. Au bout des 34 heures de combats, les Britanniques évacuent les blessés, on compte 15 tués, mais tous les véhicules sont détruits par les armées arabes.




Convoi de ravitaillement dit convoi Nebi Daniel, en route vers le Gush Etzion, janvier 1947



Convoi de ravitaillement au Gush Etzion, janvier 1947


Sous les ordres de la Haganah, les hommes du Gush Etzion surveillent les transports de troupes de la Légion arabe, et lancent périodiquement quelques opérations de défense. David Sheltiel, commandant de la Haganah à Jérusalem et Yitshaq Levy, autre membre de la Haganah à Jérusalem, sont alors confrontés à un dilemme tactique : il fallait soit entraver l’avancée de troupes arabes vers Jérusalem, mais exposer les villages du Gush Etzion à une attaque d’envergure, soit se tenir à l’écart, avec le risque de voir Jérusalem encerclée, puis conquise.

Or, les Britanniques ne devaient quitter la région que le 15 mai, et tous les chefs de la Haganah pensaient qu’aucune attaque n’aurait lieu avant cette date, puisque la puissance mandataire était encore responsable de l’ordre public.

Informé de ce choix par les Britanniques, Glubb Pacha, décide de mener une double attaque contre les villages du Gush Etzion.




Commandants de la Légion arabe avant l'attaque contre le Gush Etzion, mai 1948


La première attaque eut lieu le 4 mai, mais fut repoussée. Le 12 mai 1948, le Gush Etzion est à nouveau attaqué par la 12e compagnie de la Légion arabe (officiellement elle n’est pas en état de guerre) accompagnée de près de 1 200 irréguliers arabes qui avaient massacré, peu de temps auparavant, un convoi médical de l’hôpital Hadassah, tuant près de 80 médecins, infirmières et patients.



Le massacre du convoi médical de l'hôpital Hadassah, de Jérusalem, 1948


Leur armement comprenait du matériel livré par les Britanniques, des véhicules blindés, ainsi que des mortiers, tandis que les Juifs ne disposaient que d’un mortier et de 2 armes antitanks, ainsi que de fusils. L'assaut final a lieu le 13 mai. Près de 157 villageois sont massacrés. Les autres sont faits prisonniers et envoyés dans le désert entre la Jordanie et l’Irak comme prisonniers de guerre, au mépris du droit international (la puissance occupante mandataire en était responsable).


Prisonniers juifs emmenés en captivité par la Légion arabe, mai 1948


Camp de prisonniers juifs du Gush Etzion en Jordanie


Camp de prisonniers juifs du Gush Etzion en Jordanie. Photo prise début 1949


Ils ne seront relâchés qu’après le 21 février 1949. Les villages sont détruits, les arbres arrachés, à l’exception d’un olivier :


Le symbole du Gush Etzion




Le symbole du Gush Etzion


Le symbole du Gush Etzion


Le symbole du Gush Etzion



Gush Etzion, de nos jours


Dès septembre 1967, les familles de survivants retournent dans les localités d’où ils avaient été violemment chassés, et on compte aujourd’hui 12 villages.

Plusieurs vestiges et stèles rappellent le tragique passé de ses habitants, loin de l’oubli imposé par les partisans du déni de mémoire…


Ruines d'une des maisons du village de Matsuot Yitzhaq



Stèle à la mémoire des habitants du Gush Etzion





A Contre-Courant