Restaurer les valeurs du sionisme dans la société israélienne



par Antoinette Bremond

Dans un pays, dans un monde où tout est « compliqué », on a tendance à tout simplifier, mettant la société en catégories : la Bible, c’est pour les religieux ; l’université, pour les laïques ouverts, universalistes ; les sionistes sont des gens de droite, d’extrême droite, des religieux. Et bien non ! Il suffit d’ouvrir la télévision, chaîne 1, à la sortie du shabbat à 20h30, pour entendre la section de la Tora du jour commentée par deux Juifs sans kippa. De se rappeler que les premiers sionistes étaient socialistes, non religieux et d’apprendre que, depuis deux ans, un mouvement d’étudiants, Im tirtsou (Si vous le voulez), se répand dans toutes les universités du pays avec comme but : la seconde révolution sioniste.

Im Tirtsou

Théodor Herzl, lors du Premier Congrès Sioniste de Bâle, avait prononcé cette phrase célèbre : « Si vous le voulez (en hébreu : im tirtsou), ce ne sera pas un rêve. » Mais où en est-on aujourd’hui dans la société israélienne ?
Où en est le rêve de Herzl ? Sionisme, post-sionisme, anti-sionisme ? La lassitude face au conflit israélo-palestinien, ce ras le bol engendrant le désir qu’on en finisse une fois pour toutes, à n’importe quel prix, et l’influence des post-sionistes et des nouveaux historiens, tout cela pose question : y a-t-il un avenir ici pour un Etat juif indépendant, ou faut-il renoncer à ce rêve d’Herzl et envisager un Etat de tous les citoyens, sans plus de référence au peuple juif ?

Ronen Shoval, 28 ans, né à Ramat HaSharon dans un foyer laïc, étudiant en philosophie, explique pourquoi la nécessité de créer un mouvement sioniste non religieux lui est apparue urgente. « Quand j’étais jeune, je pensais que j’étais venu trop tard : les pionniers, mes grands parents luttant dans les organisations comme la Hagana et l’Irgoun pour permettre la naissance de l’Etat d’Israël…, c’était du passé. J’étais né dans un monde très matérialiste, tout était déjà fait. Mais, c’est au moment du désengagement de la Bande de Gaza que je compris que rien n’était terminé, que ce désengagement remettait en cause toute notre histoire collective. Puis il y eut la deuxième guerre du Liban lamentablement préparée et dirigée, soldée par la mort de tant de mes amis. »

Avec un groupe d’amis, Shoval repense à la situation, à l’évolution du sionisme des fondateurs. La première révolution sioniste, comme les autres révolutions idéologiques du 20ème siècle, socialisme, fascisme, communisme, a expiré. L’idéal des fondateurs s’est évaporé. Les sionistes religieux vont-ils être les seuls à faire barrage à cette entreprise de découragement collectif ? Shoval veut relever le défi et faire renaître les valeurs du sionisme auprès des étudiants. « Ce que l’Agence Juive fait dans les universités à l’étranger, pourquoi ne pas le faire sur les campus israéliens. Proposer aux étudiants influencés par le post-sionisme de droite et de gauche, une autre voie alternative. Restaurer les valeurs du sionisme et du judaïsme en dehors de tout aspect religieux ou politique. Remettre l’idéal sioniste à sa place, au centre : que se lèvent des poètes sionistes, des écrivains, des universitaires sionistes. »

Lors de certains rassemblements ou conférences à l’Université Hébraïque de Jérusalem au mont Scopus, ce mouvement activiste ressemble à un quelconque mouvement de jeunesse, avec un panneau sur lequel est fixé un drapeau israélien. Ces jeunes étudiants portent des tee-shirts avec le portrait de Theodor Herzl, de Golda Meir, de Moshe Dayan, Menahem Begin, Itzhak Rabin ou du rabbin Avraham Kook, et proposent des pochettes avec le portrait de Yossef Trumpeldor (tué par les Arabes en 1920). « Tous nos héros ! »

« Mais ce sionisme des débuts, il nous faut le renouveler pour qu’il puisse être entendu par cette nouvelle génération. Ne pas simplement utiliser le langage des sionistes comme Yossef Haïm Brenner (écrivain tué à Jaffa en 1921). Trouver notre langage, être à la mode, être « cool »… Le sionisme est « cool ».

Bien sûr, ce mouvement rencontre beaucoup de critiques. « Pourquoi traitez-vous d’anti-sionistes tous ceux qui ne pensent pas comme vous ? ». Pour Yariv Oppenheimer, directeur général de La paix maintenant, le mouvement de Shoval est nationaliste et radical. Ses adhérents disent qu’ils veulent restaurer la fierté sioniste dans le peuple juif, mais en réalité, c’est un mouvement de droite qui préconise le Grand Israël. Leurs valeurs ne sont pas celles du sionisme mais celles du fascisme : par exemple, pour eux un Palestinien n’a pas le droit de manifester quand son pays est pillé et les Arabes vivant en Israël ne sont pas autorisés à critiquer l’Etat.

Pour Shoval ces critiques sont injustifiées : « Nous ne sommes ni fascistes, ni racistes. Par exemple nous avons signé une pétition en collaboration avec les Druzes et les Circassiens pour défendre leurs droits auprès de la Haute Cour de Justice. Ce n’est pas Zeev Jabotinsky qui est notre symbole, mais Herzl. Nous n’avons pas une position unilatérale au sujet des implantations en Judée Samarie, et n’avons pas pris part aux manifestations de la droite religieuse sioniste à Hébron. Dès le début, nous nous sommes présentés comme un mouvement modéré, de telle manière que les étudiants de droite comme de gauche peuvent y trouver leur place. »

« Dans les pas des fondateurs du sionisme, mouvement national du peuple juif, nous proclamons notre droit à un Etat indépendant et souverain sur la terre d’Israël avec Jérusalem unifiée comme capitale ; ceci est un droit inhérent, ne pouvant être contesté. Tout Juif aspire à revenir à Jérusalem, qu’il soir religieux ou non. Jérusalem est un symbole très fort pour des millions de Juifs de la diaspora, le moteur du retour à Sion, du retour à la maison. Mais en même temps nous jugeons qu’il est légitime de réfléchir et de parler d’une éventuelle division de Jérusalem dans le contexte des populations qui y habitent. »

« Nous ne nous intéressons pas à la politique, et Im Tirtsou n’appartient à aucun parti. Le sionisme est l’affaire de chacun. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche. »

Ce mouvement compte actuellement 1000 étudiants inscrits et cotisant entre 20 et 100 euros par an. 6000 personnes participent aux conférences et projets communautaires. Son quartier général est à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Im Tirtsou existe également dans huit autres centres universitaires : l’université de Ben Gourion à Beershéva, l’université de Bar Ilan à Ramat Gan, le collège Sapir à Sdérot, les universités de Tel Aviv et de Haïfa, le centre universitaire d’Ariel en Samarie, le collège académique d’Emek Yezréel et l’institut de Technologie à Holon.


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