LE GROUPE STERN



Le Lehi (acronyme hébreu pour Lohamei Herut Israel, « Combattants pour la liberté d’Israël », לח"י - לוחמי חירות ישראל) fut un groupe armé radical créé en septembre 1940 et n’hésitant pas à se décrire comme terroriste[1], qui se fixait notamment pour but l’éviction par la force du Mandat britannique sur la Palestine afin de permettre une immigration sans restriction des Juifs en Palestine et la formation d’un État juif sur toute la Palestine et l’actuelle Jordanie.

L’organisation commettra de nombreux attentats contre les Britanniques, de 1941 à 1948, puis contre les Arabes de Palestine, en 1947-1948.

Les autorités britanniques ont nommé ce groupe Stern gang (le gang Stern), en référence au nom de son premier dirigeant Avraham Stern. Le terme Stern group, en français groupe Stern, fut également employé dans les années 1940, et reste une dénomination fréquemment utilisée.

Après la mort de Stern en février 1942, l’organisation fut dirigée par un triumvirat dont faisait partie Yitzhak Shamir, futur Premier ministre israélien, jusqu’à sa dissolution en septembre 1948 par les autorités israéliennes. La nouvelle direction réorienta l’idéologie de l’organisation dans un sens se voulant « anti-impéraliste ».

Idéologies

On distingue deux périodes dans la définition par le Lehi de son idéologie.


Idéologie : de la création du Lehi (1940) à la mort de Stern (1942)

Sous la direction d’Avraham Stern, le Lehi a été clairement un groupe d’extrême droite, dont une bonne partie des membres (mais pas tous) était influencé par le fascisme italien. L’influence politique originelle de Stern se situe au sein du groupe des Birionim, un groupe de sympathisants fascistes agissant en marge du parti de la droite sioniste, le parti révisionniste, au début des années 1930.

En novembre 1940, la toute jeune organisation publie ses thèses, sous la forme de 18 « principes de la renaissance (Ikarei ha'Tehiya)[5] ». On y indique en particulier que :

Les frontières d’un État juif doivent aller du Nil à l’Euphrate (de l’Égypte à l’Irak). Cette terre sera « conquise sur les étrangers par le glaive ». La revendication d’un État sur une forte partie du Moyen-Orient se fait en référence à la Bible (Genèse 15-18). Cependant, dans la pratique, la revendication du Lehi portera ensuite essentiellement sur la Palestine et la Transjordanie (Jordanie actuelle).

Les exilés juifs se rassembleront dans le nouvel État.
Le temple de Jérusalem sera reconstruit (le Stern regroupe essentiellement des laïcs. Le temple est ici plus un symbole national que religieux. La majorité des Haredim (ultra orthodoxes) est d’ailleurs hostile à une telle reconstruction, considérant qu’elle est l’apanage du messie).
Les populations arabes doivent partir du nouvel État : « le problème des étrangers sera résolu par un échange de population ».[6]


L’attitude pro-britannique de l’organisation révisionniste en Palestine […] a mené à l’automne de cette année à une coupure complète entre elle et le NMO, ainsi qu’à la scission au sein du mouvement révisionniste qui a suivi.[…]

Idéologie : après la mort de Stern - 1943-1948

Après la mort de Stern en février 1942, et surtout à partir de sa réorganisation fin 1943, le Lehi regroupe les ultranationalistes juifs les plus radicaux, couvrant désormais un large éventail politique. Il existe à partir de 1944 quatre sensibilités bien identifiées :

Une sensibilité restée proche de la droite sioniste révisionniste traditionnelle, avec des gens comme Yitzhak Shamir.
Une sensibilité fidèle au 1er Lehi d’extrême droite, avec des gens comme Israël Eldad.
Une sensibilité ultra-nationaliste mais pro-soviétique, autour de Nathan Yalin Mor.
Une sensibilité « cananéenne », ultra-nationaliste, mais prônant la rupture avec le judaïsme et le développement d’une identité nationale « hébraïque » néo-païenne.

Au-delà de ses sensibilités, le Lehi adopte fin 1943 début 1944, sous l’influence de Yalin Mor, un vocabulaire « anti-impérialiste » et pro-soviétique très éloigné de ses origines. « Le Lehi se perçoit [maintenant] comme un mouvement "révolutionnaire" qui, contrairement à l’Irgoun, a coupé toutes ses attaches avec la droite révisionniste »[9].

Un point n’a pas changé, cependant : la référence positive au terrorisme. Sans être permanentes, les professions de fois terroristes ne sont pas rares au Lehi :
« Le NMO, dont les activités terroristes ont commencé dès l’automne de l’année 1936, est devenu, après la publication du livre blanc britannique, particulièrement influent à l’été 1939 grâce à l’intensification réussie de son activité terroriste et au sabotage des intérêts britanniques »[4], ou « les actes terroristes stimulent l’imagination populaire, réveillent les énergies dormantes, donnent une impulsion au mouvement révolutionnaire »[10].
Par ces revendications, le Lehi s’inscrit dans une certaine tradition révolutionnaire russe, comme celle de la narodnaya volya (la volonté du peuple) et des nihilistes, chez qui le terme de « terrorisme », compris comme « terreur contre les ennemis du peuple », est positif.
On peut aussi noter que l’un des inspirateurs d’Avraham Stern, Abba Ahiméir, avait écrit en 1926 un « livre des sicaires », où il se livrait à une apologie du terrorisme individuel.


Aux origines du Lehi
S’il se crée en septembre 1941, le Lehi n’apparaît pas par hasard. Il est le produit de la situation politique des années 1930.


La tentation fasciste et les Birionim
En 1928, trois hommes entrent au parti révisionniste (droite sioniste). Ils viennent de la gauche sioniste mais se sont retournés contre elle et affichent maintenant des sympathies fascistes. Ce sont le journaliste Abba Ahiméir, le poète Uri Zvi Greenberg et le médecin et écrivain Yehoshua Yevin. Les trois hommes rêvent d’une organisation de « chefs et de soldats »[11], et s’organisent en 1931 au sein d’un association secrète et indépendante de la direction du parti, « Brit Ha’Birionim ». Stern, lui-même écrivain et poète, a commencé une collaboration intellectuelle avec des Birionim dans Metzouda (forteresse), le bulletin de la Haganah nationale (future Irgoun), au début des années 1930. Il y a croisé les représentants de différentes tendances politiques, dont le Dr Yehoshua Yevin lui-même[12].


En 1932, au cinquième congrès du parti révisionniste, Ahiméir propose de transformer celui-ci en un parti autoritaire sur le modèle fasciste. Jabotinsky déclare : « je considère comme néfaste tout mouvement qui nie le principe d’égalité entre les citoyens […] c’est bien pourquoi je vous considère, Ahiméir, comme un adversaire politique ». Jabotinsky refuse cependant de rompre avec son extrême droite, et s’appuie à l’occasion sur elle.

Le 16 juin 1933, le directeur du département politique de l’Agence juive, le socialiste Haïm Arlozorov, est assassiné. Le matin même, Hazit Ha’am[13] avait lancé une attaque très violente contre lui. Ahiméir est accusé, jugé, et acquitté du meurtre. La gauche sioniste a cependant mené de violentes attaques contre la tendance « extrémiste » du révisionnisme et celle-ci ne s’en releva pas. Mais si les sympathisants fascistes semblent marginalisés après l’affaire Arlozoroff, ils n’ont pas disparu. Avraham Stern et quelques autres membres du parti révisionniste continuent discrètement à défendre leurs idées tout au long des années 1930.


http://fr.wikipedia.org/wiki/Lehi