L’histoire de la Haganah


TROUPES DE LA HAGANAH
Dès les premières alyoth de 1870, la communauté juive de Palestine s’est vue dans l’obligation de se protéger. En 1909, le nouveau yishouv crée l’Hashomer, une organisation de gardiens juifs, pour faire face aux pilleurs arabes. Mais très vite, la nécessité d’une organisation d’autodéfense va s’imposer. La Haganah naît en 1920, sous le mandat britannique. Elle remplira son rôle de force de protection des communautés juives de la Palestine mandataire jusqu’en mai 1948, pour céder naturellement la place à Tsahal, qui devient l’armée nationale.


La Haganah (défense) qui voit le jour en Palestine en juin 1920, est une lointaine héritière du concept d’autodéfense juive déjà mis en place dans d’autre pays. En Russie surtout, où les vagues de pogroms de 1880-81 et 1903-06 avaient poussé certains leaders de la communauté, dont Zeev (Vladimir) Jabotinsky, à s’organiser pour se protéger des massacres. Suite aux émeutes anti-juives de 1919, les dirigeants sionistes se refusent à compter sur l’autorité britannique et décident de créer leur propre force de défense, clandestine. Gérée par le parti travailliste Ahdout Haavoda puis par la Histadrout, le syndicat national dont David Ben Gourion devient le secrétaire général en 1921, l’organisation accueille principalement des militants de gauche, issus des kibboutzim. Au cours des 9 premières années de son existence, de 1921 à 1929, dans un contexte sécuritaire relativement calme, elle organise gardes et patrouilles autour des implantations juives. La Haganah n’est encore qu’une petite organisation souterraine de plusieurs centaines de membres. Ses 750 fusils et ses 750 grenades sont dissimulés dans les caches des kibboutzim qui tiennent place de lieu d’entraînement.

Une force qui s’étoffe

1929 voit l’arrivée de nouveaux pogroms anti-juifs en Palestine, qui provoqueront des dizaines de morts. Le yishouv a besoin d’une organisation de défense nationale, qui ne soit pas la seule émanation des partis de gauche. La Haganah est alors placée sous l’autorité conjointe de l’Agence juive et du conseil national (Vaad Leoumi), supervisée par un comité paritaire de 6 membres, trois représentants des partis de gauche et trois autres, de la droite. Elle enrôle plusieurs milliers de pionniers, jeunes ou plus âgés, des kibboutzim, des localités et des villes. Jusqu’alors peu structurée, elle intensifie l’entraînement de ses recrues et de ses officiers, importe des armes légères d’Europe et pose les jalons de sa propre production clandestine balistique. Bien que toujours illégale aux yeux des Arabes et des Britanniques, elle acquiert le statut d’organisation de défense légitime du yishouv. Mais 1931 sonne l’heure de la scission.

La Haganah est une force essentiellement défensive. Elle développe une politique de retenue (la Havlagah) qui ne satisfait pas les ambitions plus offensives d’un petit groupe d’officiers. Sous l’impulsion d’Avraham Tehomi, ces derniers vont créer l’Irgoun Beth (seconde organisation). Le groupe qui s’identifie avec le mouvement sioniste révisionniste de Jabotinsky – un parti politique nationaliste et anti-communiste – sera officiellement baptisé l’Irgoun Zvai Leoumi (l’organisation militaire nationale), ou Irgoun, en 1937. Il se lancera dans une campagne d’attentats contre les civils arabes et palestiniens, réprouvée par les instances officielles du yishouv et de la Haganah.

De 1936 à 1939, années du soulèvement arabe, la Haganah passe du stade de milice à celui de véritable organisation militaire. Elle fait preuve d’une grande efficacité pour contrer les attaques arabes, sécuriser les lieux isolés et lancer des raids de représailles. Sans être officiellement reconnue par l’administration britannique, elle collabore avec l’armée et la police anglaises, ce qui lui confère un cachet de légalité. C’est aussi l’époque des escadrons spéciaux nocturnes (special night squads). Fondés par le major britannique Charles Wingate, ils sont rompus aux tactiques de commando et aux attaques surprises. Seuls les membres de l’état-major sont des permanents de la Haganah. Officiers et combattants, estimés à plus de 20 000 au cours des années 1938-39, sont mobilisables à tout moment.

A la fois pour et contre les Anglais

1939 solde la fin de la révolte arabe, réprimée. Et celle de la coopération judéo-britannique. L’administration anglaise applique alors dans toute sa rigueur la politique anti-sioniste du troisième Livre blanc, publié le 17 mai 1939, qui limite la vente de nouvelles terres aux Juifs et restreint l’immigration juive à 75 000 personnes sur une durée de 5 ans. La population juive ne doit pas dépasser le tiers de celle du pays. A cette époque, la Haganah a su développer un corps de campagne, un service médical, un service des transmissions et un service du renseignement. C’est grâce à ce dernier qu’elle crée un département d’immigration clandestine, le Mossad l’Alyah Bet, chargé de faire entrer illégalement des Juifs en Palestine.

Mais 1939, c’est aussi le début de la Seconde guerre mondiale et de la folie nazie. David Ben Gourion, chef de l’exécutif sioniste, soutient l’effort de guerre anglais contre le IIIe Reich allemand. « Nous aiderons les Britanniques dans la guerre comme s’il n’y avait pas de Livre blanc et nous lutterons contre le Livre blanc comme s’il n’y avait pas la guerre », déclare-t-il alors. Un mouvement de 30 000 volontaires s’organise pour donner naissance à une unité spécifique au sein de l’armée anglaise, la brigade juive. Puis en 1941, le Royaume-Uni qui redoute une invasion des forces de Rommel sur la Palestine, demande à la Haganah de constituer son propre bataillon d’élite. Le Palmah, abréviation de plougot makahaz, (groupes d’assaut) voit le jour le 19 mai de cette année. Dans ses rangs, bon nombre de jeunes des kibboutzim, et de futurs leaders politiques, tels qu’Igal Alon, Rehavam Zeevi, Moshé Dayan, Ytzhak Rabin.

Et des figures héroïques comme Hannah Szenes, du kibboutz Sdot Yam, entraînée dans une unité parachutiste pour libérer des Juifs hongrois promis au camp d’extermination d’Auschwitz. Arrêtée à la frontière hongro-yougoslave, elle sera exécutée sans avoir révélé les détails de sa mission. Entraînées par les Anglais, les troupes du Palmah s’illustreront par ces unités de parachutistes chargées de remplir des missions de sabotage dans l’Europe nazie. Composées de 9 escadrons, elles comprennent également des unités formées aux opérations en mer ou des unités de commandos de volontaires juifs allemands capables d’infiltrer l’armée ennemie.

Avec la création de l’Etat, la fin de la clandestinité

A la fin de la Seconde guerre mondiale, la Haganah renoue avec ses actions contre les Britanniques et son département d’immigration clandestine reprend ses opérations à grande échelle. Elle s’allie pour la circonstance avec l’Irgoun, dirigé depuis 1943 par Menahem Begin, et les hommes dissidents du groupe Stern – devenu Lehi – qui n’avaient pas accepté la trêve de l’Irgoun avec les Anglais pendant la guerre. Ils forment ensemble le mouvement de résistance hébraïque. Mais fidèle à sa politique de retenue, la Haganah qui tente d’éviter les victimes condamnera l’attentat de l’hôtel King David, centre administratif et militaire du gouvernement britannique, par l’Irgoun, qui provoquera la mort de 91 personnes.

Le divorce est consommé et la Haganah poursuit seule une guerilla qu’elle souhaite le moins violente possible. Elle libère les prisonniers du camp d’Atlit, bombarde le réseau ferroviaire du pays, saborde radars et forces mobiles britanniques, routes et ponts. Elle poursuit la protection des localités juives et se concentre essentiellement sur l’immigration clandestine. Après la partition de la Palestine votée par les Nations unies le 29 novembre 1947, l’Etat d’Israël voit le jour le 15 mai 1948.

Le 31 mai, l’ordonnance sur la création de la nouvelle armée israélienne est promulguée, en pleine invasion arabe. La Haganah s’efface alors au profit de Tsahal dont elle constitue la colonne vertébrale. Mais son souvenir restera impérissable. « Grande est la dette que le yishouv et le peuple juif ont contractée vis-à-vis de la Haganah… [Elle] restera dans les annales comme auréolée d’une grandeur et d’une fierté qui jamais ne se terniront », déclarait dans son discours officiel le Premier ministre de l’époque, David Ben Gourion.


http://isranat.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/02/07/l-histoire-de-la-haganah.html